Photo : http://kanakystyle-over-blog.fr
Il fallait s'y attendre ! Après la condamnation à douze mois de prison ferme (ni plus, ni plus) de M. Jodar, président de l'USTKE, pour entrave à la circulation d'un aéronef (et non pas pour l'ensemble de son œuvre, les griefs de détérioration en bande organisée et d'incitation à la guerre civile n'ayant curieusement pas été retenus contre lui), les réactions en provenance de métropole ne se sont pas faites attendre.
Le camarade Besancenot, tout d'abord, porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) et nostalgique du Paradis terrestre (bonheur, prospérité, eau et gaz à tous les étages du goulag) a ouvert le bal mardi, dans un communiqué tout en finesse où il dénonce « la marque d'une justice coloniale ».
En avril 2008, déjà pour une affaire semblable impliquant l'indécrottable Monsieur Jodar, Olivier Besancenot, alors porte parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) avait exigé « la fin de la répression coloniale en Kanaky » : « Dès qu'on touche aux intérêts de la mondialisation, ce qu'ont fait les camarades de l'USTKE, et bien ça réprime et ça réprime dur (...) »
Plus près de nous, le 28 mai 2009, il avait déjà, au nom du NPA exigé la libération immédiate de tous les syndicalistes : « au cours d'une intervention à l'aéroport de Magenta (NDLR, occupation et détérioration d'un aéronef) jeudi matin localement, une grande partie de la direction de l'USTKE dont son président Gérard Jodar a été arrêtée avec de nombreuses violences à la clef (NDLR, aucun blessé). Alors qu'il s'agit d'un conflit social portant sur un licenciement abusif (NDLR, le non renouvellement d'un CDD arrivé à terme), rien ne justifie une telle répression ».
Ce même mardi, et dans le même registre truffé d'erreurs, d'omissions et de contre-vérités, Noël Mamère interpellait la toute nouvelle secrétaire d'État chargée de l'outre-mer, Marie-Luce Penchard, en ces termes :
« Ma question (...) porte sur un problème grave : je veux parler de l'arrestation de Gérard Jodar, président de l'USTKE, le principal syndicat de Nouvelle-Calédonie (NDLR, le premier sûrement en terme de nuisance, mais le second en terme de représentativité), et de cinq autres responsables syndicaux. Ils ont été condamnés à des peines de prison ferme - un an pour le président Jodar - pour avoir mené une manifestation de caractère syndical (NDLR : occupation et détérioration d'un aéronef) après qu'un protocole eut été signé entre l'USTKE et Air Calédonie (NDLR : le protocole en question est postérieur à ces évènements et n'a jamais été signé par M. Naisseline, le président d'Aircal). Or Air Calédonie n'a pas respecté ce protocole et les syndicalistes ont manifesté (NDLR : les syndicalistes ont en réalité manifesté pour obtenir le renouvellement d'un CDD, puis pour obtenir le paiement des trois mois de grève). Ils ont été emprisonnés pour un motif qu'on ne comprend absolument pas, ou trop bien, pour illustrer ce que peut être une justice coloniale : entrave à la circulation d'un aéronef. Cette criminalisation du mouvement syndical kanak au moment où nous discutons de l'évolution statutaire de l'île (NDLR, le statut de la Calédonie n'est pas en discussion, il est gelé par les accord de Matignon jusqu'en 2014) peut provoquer de graves troubles.
Plus anecdotique, le collectif Corsica Libera, qui en connait un bout sur les luttes de libération nationale et le banditisme, témoigne de sa pleine et entière solidarité à Gérard Jodar ainsi qu'à ses compagnons de lutte.
Tous ces professionnels de la désinformation à visée bordélisatrice peuvent sévir d'autant plus effrontément que l'information n'est visiblement pas arrivée jusqu'en métropole, si ce n'est par l'intermédiaire de quelques blogs (Bibi, bien sûr, mais aussi JM, Paule, Franck, Fanny et Annelise).
La technique de ces zozos, rodée au long cours de décennies de mystifications, fait la part belle à l'utilisation sans vergogne des sempiternels vieux clichés manichéens (les bons Noirs - ouvriers contre les méchants Blancs - patrons), sans crainte (ou avec l'espoir ?) de raviver les anciennes tensions. Aucun mot, par contre, sur les motifs réels de ce conflit (peu avouables), ni sur le fait que les Kanak, dans leur grande majorité, ont clairement choisi leur camp, ne veulent pas de ce Monsieur Jodar et soutiennent M. Naisseline, lui-même Kanak (voir les manifs à Maré, à Nouméa et les incidents de Lifou où les gendarmes sont intervenus pour protéger certains militants USTKE menacés par les coutumiers).
Le prochain a s'exprimer, j'en prend les paris, devrait être logiquement José Bové. Le moustachu à pipe, en effet, lorsqu'il ne fauche pas un Mac Do transgénique n'aime rien moins que s'afficher en soutien des camarades Uestékaïstes, qui avaient d'ailleurs appelés à voter pour lui lors des dernières élections présidentielles.
A moins qu'il ne se fasse doubler par la CGT qui, il y a quelques semaines, dénonçait "la répression inacceptable de l'Etat français et le coup de force à propos de cette action syndicale » et critiquait le fait que le Haut Commissaire n'ait « pas hésité à envoyer les forces de l'ordre contre les militants de l'USTKE venus apporter leur soutien à une salariée de la compagnie Air Calédonie menacée de licenciement ».
Sans oublier Les Verts ou le PCF, dans les starting-blocks de la récupération, qui, le 21 avril 2008, participaient à un meeting à Paris pour sensibiliser sur la répression anti-syndicale en Nouvelle-Calédonie.