Lundi matin, 11 heures. Après une nuit aussi courte qu’agitée (la faute au grand-prix de Monza, à Monaco/PSG, aux demi-finales de l’US Open et à une dent du fond aussi maligne que récalcitrante), je me pointe, la gueule dolipranée, au dispensaire de Tadine, dans l’espoir avoué d’obtenir un rendez-vous pas trop lointain avec le dentiste du coin.
Derrière un guichet protégé par une triple épaisseur de vitrage made in Banque de France, à l’épreuve des balles et de la grippe A, une secrétaire accorte et à la robe mission éclatante de santé m’accueille d’un sourire méfiant.
- Je voudrais un rendez-vous avec le dentiste, s’il vous plaît, madame.
- Y faut voir directement avec lui, dans son cabinet.
- Et il est où, son cabinet, s'il vous plaît ?
- Fond du couloir...
Ravi (pour ne pas dire surpris) de cette réponse aussi diligente que précise, je me dirige vers la salle de torture d’un pas encore assuré. Assis sur un banc, devant la porte fermée dudit cabinet, un vieil homme aux ratiches carbonisées et disjointes semble être là pour les mêmes raisons que moi.
- Là, m’indique-t-il d’un coup de menton malrasé, en réponse à ma question et en m’indiquant le cabinet tout proche.
Je me mets alors à faire ce que ferait toute personne douée de raison à ma place : attendre. Sereinement, d’autant plus que le dentiste en question a abandonné, depuis quelques années déjà, la massue et le sabre qui constituaient jadis ses outils de travail les plus perfectionnés.
Au bout d’une vingtaine de minutes, cependant, ma patience de jeune métropolitain fougueux n’ayant pas encore atteint les capacités de résistance du Kanak lambda, je me lève et vais toquer délicatement à l’huis clos. Pas de réponse. Je fais jouer la poignée : fermée à simple tour (ou à double, si tu préfères, bien que je n’ai pas vérifié).
Fort surpris, je retourne au guichet d’accueil, armé de ma plus belle phrase interro-irritative :
- Pardon, madame, le dentiste n’est pas là ?
- ^^. Y travaille pas lundi matin. Y faut revenir l'après-midi.