La fête a battu son plein ce week-end à Roh, à l’occasion de la fête annuelle du wajuyu. Une fête toute à la gloire du vivaneau, ce délicieux poisson rose du large, qui enchante le palais des grands comme des petits.
Cent quarante touristes acheminés dès le vendredi matin par le Betico, une poignée de Gadas (Blancs) qui n’avaient pas désertés l’île pendant cette semaine de vacances et une bonne dose de locaux par le programme alléchés (troupes de danses, animations musicales, stands de produits locaux, produits du lagon, grand marché solidaire, expo et vente de vivaneau…), ont donc déambulés mornement pendant 3 jours sur l'immense terrain de la magnifique commune du Nord, dissimulant leur torpeur derrière une insouciance de bon aloi.
Quelques gratteurs de guitare égarés, au jeu et à la voix incertaine, ont animés tant bien que mal les longues plages creuses entre l’ouverture et la fermeture de ces interminables journées. La troupe des danseurs de l’école d’Eni, qui devait se produire samedi, a attendu, en vain, de longues heures le bus chargé de la conduire sur place. Une danseuse de la troupe de Wakone, rencontrée par hasard sur le site, m’a avoué ne pas trop savoir si elle allait se produire ou pas, ni quand ni comment. « Peut-être après… » a-t-elle consenti à me lâcher, pas contrariante. Quant aux danseuses tahitiennes venues de Nouméa, elles ont attendues 18h30 et la nuit aussi fraîche que noire pour faire leur entrée sur l’herbe, escortées d’un spot aveuglant bien placé face au public.
Il y a pourtant de la qualité, chez les artistes de Maré. Et pas seulement au niveau des danseurs. Gulaan ainsi que Dick & Hnatr font partie des tous meilleurs musiciens du territoire. Dommage simplement que, pour les entendre, il faille aller à Nouméa ou à Paris, alors qu’ils résident ici même toute l’année. Bien qu’immanquablement annoncés, par un réflexe pavlovien, sur les programmes de toutes les fêtes, foires et manifestations du coin, leur absence prévisible (ils ne sont généralement soit pas prévenus, soit pas payés, soit les deux à la fois) est toujours l’occasion de dialogues savoureux avec le chargé de programmation :
- Quand va jouer Gulaan ?
- Heu… Quand il arrivera.
- Est-ce qu’il va y avoir Dick & Hnatr ?
- ^^
- Quand ?
- Aujourd’hui… (puis, d’une toute petite voix) ou demain.
Seul Théo Ménango, finalement, parmi les musiciens dignes de ce nom, aura montré le bout de sa guitare. Dommage, c’était à midi et donc en plein repas (au choix civet de cerf ou tranche de tazard, de fort bonne facture).
Plus rigolo (ou plus grave, selon son degré d’accoutumance aux impondérables insulaires), il n’y avait plus la queue d’un seul vivaneau dès le vendredi à 10 heures, quelques minutes après l'ouverture de la manifestation. Une fête du vivaneau sans vivaneau, c'est un peu comme la fête de l'Huma sans communiste : impensable ! Encore que ça, c'est un mauvais exemple... Des stands de poissonnerie vides, qui se mariaient parfaitement avec une programmation creuse, tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes paradisiaque. Quant aux mets locaux (les fameux mélokos), ils brillaient eux aussi par leur absence, hormis deux ou trois ignames et un chou fané.
Ne restait plus alors qu’à se rabattre sur les enfants, nombreux et vifs comme à leur habitude, qui, par leurs jeux et leurs cris, contribuaient à maintenir éveillé un public débonnaire et largement assoupi. D’où les photos qui égaient cette page et lui évitent de sombrer dans la mornitude absolue.
Ceci dit, alors qu’il aurait pu pleuvoir, le ciel est resté clément. Grâce lui en soit rendu ici. Nous n’avions pas eu cette chance l’an dernier, à l’occasion d’une Foire des îles du même tonneau.
Tatie Nicole, qui réclamait du dépaysement et de l’authentique à son arrivée sur Maré, a été servie.
La fête a battu son plein ce week-end à Roh.
- Un plein de vide, oui ! a-t-elle lâché, sans perdre ni son enthousiasme ni son légendaire sens de l’humour.
