Le Maroni est un sympathique fleuve d’Amérique du Sud, qui forme une jolie frontière naturelle, tout en serpentin, entre la Guyane et le Suriname. Sa descente en pirogue (ou sa remontée, c’est au choix) est une expérience incontournable pour tout bon voyageur en Guyane qui se respecte.
Il y a deux manières d’aborder l’expérience : la manière « routarde », en faisant du stop le long du fleuve pour arrêter les pirogues (économique, certes, mais très aléatoire), ou la manière « efficace », en réservant pirogue et guides auprès d’une agence de Cayenne. J’opte courageusement pour la seconde option, tout en croisant les doigts pour ne pas me retrouver parmi un groupe de vingt Allemands carburants à la bière. J’en profite pour préciser, avant que les reproches n’affluent, que je n’ai personnellement rien contre les Allemands, même si, depuis la guerre de 1982, j’ai un peu de mal.
L’agence contactée, Jal voyages, me propose une formule de 4 jours, avec un départ en avion de Cayenne pour Maripasoula (point de départ de l’excursion) et un retour en minibus de Saint-Laurent du Maroni (point d’arrivée). Pour 550 malheureux euros, avion et ti-punch à volonté compris. Je n’hésite pas une seconde, d’autant plus que j’apprends que la pirogue partira presque à vide, deux personnes seulement ayant déjà réservé. Mon côté sauvage, toujours.
Après avoir prudemment laissé Madame Tazar surveiller les bases arrière, entre Sinnamary et Kourou, je me pointe à l’aéroport de Cayenne-Rochambeau, ce samedi 16 janvier de l’an de grâce 2010. Dans mon sac, tout le nécessaire du parfait maroniste : chapeau, lunettes de soleil, couteau, lampe, trousse de premier secours, crème solaire indice 50+, crème anti-moustiques, poncho plastique, sac étanche pour l’appareil photo, double batterie pour mon Nikon (il n’y aura aucun moyen de recharger en route), pastilles contre le palud, pastilles pour la flotte, deux slips de rechange et l’intégrale de Frédéric Dard en version microfilm imperméabilisé.
Premier (léger) contretemps : contrairement à ce que m’avait annoncé l’agence, personne ne me réceptionne à l’aéroport. C’est ennuyeux. J’espère tout de même que les guides seront bien au rendez-vous à Maripasoula, sinon je risquerais d’avoir l’air un peu con, tout seul au fond de la forêt avec mon petit Opinel. Après deux années passées à Maré, je m’attends cependant à tout.
L’aéroplane est du même type que celui utilisé, quelques mois plus tôt, pour aller tutoyer le Yasur en feu. A savoir un superbe Twin Otter de 12 places, flambant vieux.
Le vol est magnifique. Passés les faubourgs de Cayenne, nous survolons de manière continue et pendant plus de 300 bornes la forêt vierge. L’occasion de se rappeler que cette forêt représente 96% de tout le territoire guyanais.
Je profite de quelques passages nuageux pour observer mes compagnons d’équipée. Parmi eux, se trouvent les deux personnes qui vont avoir l’honneur et l’avantage de partager les quatre prochains jours de ma vie trépidante. Un commercial, en chemise et ordi portable, une vieille missionnaire décatie, un couple d’enseignants avec leurs deux chiards, un local de l’étape et un médecin de brousse en tournée sont rapidement éliminés de la liste. Ne restent véritablement candidats que deux hommes, visiblement en villégiature, et deux copines baroudeuses très mignonnes. Comme aurait fait n’importe qui à ma place, et partant du principe que le Maroni, c’est pas pour les gonzesses, je formule des vœux pour ne pas tomber sur ces dernières. (Ce n’est pas vrai mais, Madame Tazar ayant pris la curieuse habitude de lire ce blog, je suis bien obligé de travestir la vérité, parfois).
Après trois-quarts d’heure de vol, nous nous posons sans encombre à Maripasoula.
A suivre…
Suite de notre périple sinnamarien, hauts les coeurs et coeurs vaillants !
Après l’ancien pont, toujours opérationnel, et les bords du fleuve, voici maintenant quelques vues colorées de l’intérieur du bourg.
Une étape agréable avant d'entreprendre la descente du Maroni, pagaie arrogante et sabre entre les dents…
Sinnamary est une charmante bourgade de 3 000 habitants, paisiblement située au bord du fleuve du même nom, dans le département de la Guyane. Le nom de « Sinnamary » provient de « Nihil sine Maria », ce qui veut dire, quand on est culturé, « rien sans Marie ». Cela ne devrait pas laisser JM le vieux insensible, lui qui en connaît un bout en matière d'opium.
Au XVII° siècle, l’arrivée de colons hollandais puis français troubla un temps la quiétude des amérindiens qui, jusque là, se la coulaient douce.
Un siècle plus tard, rebelote : à la suite de la désastreuse expédition de Kourou (seule tentative de colonisation massive de la Guyane en provenance d’Europe, qui vit la presque totalité des 10 000 personnes de l’expédition décimée bêtement par les maladies et les épidémies), une soixantaine de familles rescapées de colons alsaciens et lorrains s’installent à Sinnamary. On leur fourni vaches et esclaves, ce qui leur permet de voir venir et de mieux supporter le moustique agressif de type équatorial humide du coin.
Selon les milieux autorisés, certains noms des grandes familles de Sinnamary tels que Horth, Beneth ou Clet devraient leur origine à ces familles déplacées du Nord de la métropole. L’un de ces noms étant celui de jeune fille de ma tendre et douce, qui, de surcroît, à vu le jour ici même il y a de cela une poignée d’années, ce n’est pas sans une certaine émotion que je foule fièrement, d’un pas altier que n’aurait pas renié le valeureux père Gaspard du Molard, ces lieux chargés d’histoire familiale.
Nous sommes le 13 janvier de l'an de grâce 2010 et mettons à profit les grandes vacances calédoniennes pour effectuer ce pèlerinage dans cette autre France du bout du monde (ou, au choix, dans cette France de l'autre bout du monde)...
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