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7 juin 2010 1 07 /06 /juin /2010 16:00


Voir l'épisode précédent

Aux grands maux, les grands remèdes, j’ai donc fait chauffer l’ordi, l’imprimante et la colle pour finir par pondre une splendide affichette au format A4. Placardée derrière mon fauteuil et harmonieusement disposée au dessus de ma tête, elle énonce à elle toute seule, de manière claire, synthétique et avec force caractères gras, l’objectif annuel ambitieux dont je parlais pas plus tard qu’il n’y a pas si longtemps :

« BONJOUR MONSIEUR, EST-CE QUE JE PEUX EMPRUNTER UN LIVRE, S’IL VOUS PLAIT ?

 

Un intrus se pointe, la gueule enfarinée et son ersatz de « Monsieur, liv’ ! » au bec ? Hop, je tends aussi sec un doigt pédagogiquement vindicatif vers l’affichette et j’attends sereinement que le processus d’appropriation veuille bien se mettre en place.

Des fois, c’est long. D’autres fois, aussi.

 

Bon, c’est sûr que cette méthode nécessite quand même une certaine appétence pour la chose écrite, ce qui peut expliquer un taux de réussite relativement faible (de l’ordre de 10 à 20 %, quand même).

 

Elle n’exclue pas en tous cas, loin de là, des réactions aussi instinctives qu’inquiétantes chez certains de mes petits sujets d'étude : tics divers, balancements variés, tentatives désespérées d’avaler qui sa main, qui son coude, qui son livre, qui les trois à la fois, en expulsant des petits rires nerveux dont la sonorité ne peut que de loin être rapprochée de la phrase espérée.

Mais c’est un premier pas vers le succès et j’ai même déjà repéré un aimable récidiviste qui, lors de son troisième passage, a pratiquement réussi à énoncer sa formule sans l’aide du pense-bête ornemental. Si, si, je t’assure.

 

Mais l’incident est survenu il y a quelques instants à peine, réduisant à néant des jours et des jours de travail et d’espoir.

Un grand de quatrième (t’ièm’), tout tremblotant, qui tente une entrée timide dans le Sanctuaire.

Je le mets en confiance en souriant puis l’interroge quand même virilement du regard parce que, bon, on ne va pas non plus y passer la journée.

« Monsieur, liv’ ! ».

OK, pas de panique, le coup du doigt, le regard surpris qui erre avant de se poser sur l’affiche, un succédané d’ânonnement… Tout se met en place, la réussite est proche…

- Bonjour… monsieur… est-ce que… livre ?

- Non !

- Bonjour… monsieur… je peux… livre ?

- Non !!!

J’ai beau l’encourager d’une voix douce qui fait trembler les vitres, le blocage semble insurmontable, le verbe « emprunter » tant attendu ne sort pas. Le gaillard commence à se tortiller, porte une main à sa bouche, se gratte la tête avec l’autre, le nez avec la troisième, autant de signes extérieurs d’un léger trouble. Puis, il finit par lancer, un brin agacé :

- Bâya ! Pas bon, là ! que l’on pourrait traduire par « merde, mais y a une couille sur cette affiche ! »

Je me rends soudain compte que l’infortuné est en train de mordiller un exemplaire de « Le loup Loulou », en vente dans tous les bons CDI.  Peut-être même est-ce sa manière à lui de me montrer qu’il a déjà emprunté ce livre et qu’il veut tout simplement me le rendre, hein, qu’en penses-tu t-il ?

- Hem... Bon, on reprend, me reprend-je. C’est quoi, alors, le contraire d’emprunter ?

Son visage s’illumine :

- Donner à toi !

  


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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 17:00


Après « Monsieur, moucher ! » et « Monsieur, gaz ! », voici « Monsieur, liv' ! », la suite des aventures de Monsieur Bob...


Le collège de La roche est un collège où l’on apprend véritablement, entre autres choses, la modestie.

Et où l’on revoit vite ses exigences à la baisse.

Prenons le CDI, au hasard.

Les objectifs s’affinent peu à peu, au fil du temps. C’est ainsi que, à l’occasion des sacro-saintes séances d’initiation à la recherche documentaire à destination des 6°, le « classement des ouvrages de fiction par ordre alphabétique du nom de famille de l’auteur » s’est mué progressivement en « qu’est-ce qu’un nom de famille ? » puis, de manière plus terre à terre, en « qu’est-ce que l’alphabet ? ». « L’acquisition de la classification décimale Dewey » s’est métamorphosée de manière très poétique en « ranger les livres bleu avec les livres bleu ». Quant à la « recherche de périodique à l’aide du thésaurus », assez rébarbative en soi, j’en conviens, elle est devenue par l’inertie des choses « voici le numéro d’Astrapi de juin 2009, consacré aux dieux égyptiens. Recopie sans faire de faute le titre de l’article qui se trouve page 30, non, pas 20, j’ai dit 30 ».

 

Et, puisqu’il s’agit d’être véritablement très très modeste, une nouvelle mission me monopolise depuis peu : arriver à faire prononcer de manière presque naturelle par un élève la phrase complexe suivante : « Bonjour monsieur, est-ce que je peux emprunter un livre, s’il vous plaît ? ». Phrase si possible prononcée dans son contexte, c'est-à-dire lorsque l’élève veut véritablement emprunter un livre et non pas simplement sortir de la salle pour se moucher un bon coup dans le sweat.

 

Comme me le répétait souvent mon modèle et maître à penser à l’Ecole Normale de Nice (maître à penser dont j’ai oublié le nom et qui coule des jours heureux à la maison « Au bon repos » de Bourgoin-Jallieu, aux frais des adhérents de la MGEN), il faut toujours partir du vécu verbal de l’élève. Bon, je veux bien, je ne suis pas contrariant. Mais le vécu est quand même ici assez faible.

Il tient d’ailleurs, dans ce cas précis, en une phrase de deux mots : « monsieur, livre ». Plus exactement « monsieur, liv’ ! », prononcée en un souffle, tête tournée, bras devant la bouche et expulsée de manière pas toujours très intelligible.

Partant de là, tu as beau reprendre le petit sauvageon en lui faisant les gros yeux et en lui demandant « Voyons, mon petit, est-ce ça se dit : monsieur, liv’ ? » pour qu’il te réponde affirmativement, sans vergogne et le plus naturellement du monde («  ^^ »). Et sans trouver grand monde parmi ses collègues de travail pour trouver ça choquant.

Dans le même ordre d’idée, « je suis en cinquième » s’énonce « ’quièm’ ! » et « Roger, s’il te plaît, sois cool et passe-moi le sel » se dit « s’l ! ». C’est un coup à prendre et, finalement, tout le monde se comprend très bien.

Mais, bon, nous, les profs, on préfère des phrases construites. On est comme ça, qu’est-ce que tu veux, c’est plus fort que nous...

 

J’ai, dans un second temps et pendant une autre longue période de gestation, changé ma claquette de pied et tablé sur le processus cognitif de modélisation et de restitution vocale. En clair, pour les non-enseignants, faire répéter comme un perroquet. Je sais, c’est con. Mais, des fois, ça marche.

Pas ici.

- Repeat after me. Brian is in the kitchen. Who is in the kitchen ? Bonjour monsieur, est-ce que je peux emprunter un livre, s’il vous plaît ? 

- Bonjour monsieur… liv’ !

Eh merde, encore raté ! Mais on y était presque.

(A suivre)

 



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12 mai 2010 3 12 /05 /mai /2010 17:00


Résumé des épisodes précédents : une séance de recherche documentaire modèle sur les gaz polluants vient de se dérouler au CDI du collège de La Roche.


L'heure étant écoulée, tout le monde a évacué la salle sans faire d'histoire. Seul le cadavre encore fumant d'un dictionnaire traîne sur une des tables. Je m'en approche, le coeur battant...

Pour ma culture (et ma tranquillité) personnelle, regrettant de ne pas avoir songé à commencer par là, c'est-à-dire par faire définir le mot « gaz » dans un dictionnaire, je me plonge, après un bon Lexomil 1000 (l’exo mimille) en intra-veineuse, dans la consultation de la page 473 du petit Robert illustré.

Je cite, deux points ouvrez les guillemets, attachez vos ceintures :
« corps qui se trouve dans l’état de la matière où celle-ci occupe la totalité du volume de tout récipient dans lequel elle est enfermée. »

J'ai bien fait de ne pas commencer par là, finalement.

 


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16 avril 2010 5 16 /04 /avril /2010 21:09


Résumé de l’épisode précédent : une séance modèle de recherche documentaire est en train de se dérouler au CDI, sous nos yeux émerveillés. Le sujet de la recherche : les gaz polluants. Oui, madame.

 

ledejetio et cocontra de bestia degage de gaz qui poluent lai

Voilà l’hiéroglyphe presque aussi latin qu’abscons que je découvre quelques minutes plus tard, lors d’une tournée d’inspection, sur le bout de brouillon d’un de mes jeunes clients.

- Qu’est-ce que tu as écris, toi ?

L’interpellé sursaute puis se saisit sans vergogne d’un ouvrage traînant sur la table et, après des tâtonnements laborieux, m’indique vaguement du doigt l’endroit où a été puisée cette information capitale.

- Monsieur, là !

- Non, pas là. Lis-moi ce que tu as écrit ICI, sur ta feuille.

- Meuh-sieur !!!

- Allez, vas-y !

- la-de-je-tio-et-co-co…

- Tu comprends quelque chose à ce que tu lis ?

- ...

Moue peu convaincue du torturé, pouvant aussi bien signifier « non » que « pas moins que d’habitude ».

- Je ne veux pas m’avancer, mon garçon, mais j’ai comme un doute, reprends-je. Tu n’aurais pas fait quelques légères fautes d’orthographe en recopiant ?

- Monsieur, non !!!

J’attrape l’ouvrage originel et me mets à lire lentement, tout en jetant un regard anxieux sur l’horloge libératrice :

- Les déjections de concentrations de bestiaux dégagent des gaz qui polluent l’air… Oui, c’est bien ce que je pensais, il y a bien quelques petites fautes. C’est quand même plus clair comme ça, non ?

- …

Il ne semble pas fondamentalement convaincu. Je décide de laisser à Mme Alexis le soin futur d’expliquer ce grave problème environnemental constitué par les pets de vaches. Elle le fera bien mieux que moi.

J’interrompt alors ma tournée des grands Ducs et me dirige vers mon bureau protecteur.

 

- Monsieur ?!?

- Quoi, encore ?

- Dictionnaire.

- Tu veux dire : « est-ce que je peux prendre un dictionnaire ? ». Fais une phrase !

- …

- Est-ce-que-je-peux-prendre-un-dictionnaire. Répète !!!

- Est-ce que… dictionnaire.

- Oui, je vous l’ai déjà dit ! S’il y a des mots que vous ne comprenez pas, vous cherchez dans le DIC-TION-NAIRE !

Si j’ai soudain, et de manière bien involontaire, haussé quelque peu le ton, je m’en excuse bien volontiers. Surtout auprès du jeune Henri, que j’ai réveillé en sursaut.

 

Le petit trublion intéressé par l’apport d’un dictionnaire pour parfaire une culture générale un poil défaillante se lève, chausse machinalement une claquette trop grande pour lui, et se dirige mollement vers le rayon concerné. Il attrape un dictionnaire français-anglais, réalise sa bévue (grandement aidé par le regard noir que je lui jette en soupirant) et retourne enfin à sa place, armé d’un dico ad hoc. Commence alors une prospection hésitante dont l’objectif premier semble être de trouver la première lettre du vocable en question.

- Quel mot cherches-tu ?

- Gaz !



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12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 19:08


Un banal exposé sur les gaz polluants, sujet n’incitant pas spécialement à la gaudriole, certes, mais étant quand même susceptible de bénéficier d’une documentation abondante dans le CDI, ce qui est l’essentiel, peut cependant rapidement se révéler être, au collège de La Roche, un parcours du combattant de nature à inquiéter même un cédéïste des plus aguerri.
- Monsieur, gaz ? m’interpelle à voix basse et en détournant la tête un petit écolier de 5°, supputant plein d’espoir une fin de non recevoir de ma part, qui lui permettrait sans plus attendre de prendre les claquettes à son cou et de disparaître sans demander son reste. Derrière lui, quatre ou cinq coreligionnaires semblent avoir la même attente, qu’ils mettent à profit pour se dandiner gauchement.

- Quoi, « gaz » ?

- Gaz polluôns !

 

Il y a encore quelques mois, moins au fait des us et coutumes locales, j’aurais interprété cette interpellation cavalière par un « monsieur, t’as pété ? » qui m’aurait laissé tout marri. Mais, commençant à parler couramment le franco-nengone moderne pratiqué par nos élèves, je traduis instantanément la devinette qui m’est proposée par un « monsieur, ayant un exposé à réaliser sur les gaz polluants, je désirerais savoir, s’il vous plaît, si vous disposeriez au CDI d’une documentation idoine susceptible de m’aider dans mes recherches visant à traiter ledit sujet, sujet que vient de me délivrer ma professeur de physique-chimie, Madame Alexis, dans son infinie bonté » beaucoup plus parlant.

 

- Tu as un exposé à faire sur les gaz polluants ?

- ^^.

- Montre-moi ton cahier de texte, que je vois l’énoncé exact.

Le premier instant de stupeur passé, le petit sauvageon se met à farfouiller fébrilement dans son sac avant d’en extirper, entre autres ustensiles tous plus pédagogiques les uns que les autres (un goûter écrasé, une balle faite de papier scotché, « Le loup Loulou » et un double décimètre cassé au chiffre « 6 ») un brimborion d’agenda souillé qu’il me tend fièrement, en souriant. Je déchiffre péniblement, en y mettant toute ma meilleure volonté, un gribouillis infâme torché d’un graphisme novateur : « gas poluon ».

Bien, j’avais donc vu juste.

 

J’installe les petits candidats avides de culture à une table, après leur avoir demandé de se munir chacun d’une feuille et d’un stylo. Cette requête curieuse aura retardé la bonne marche des opérations d’une dizaine de minutes mais, au diable les varices, nous ne sommes plus à ça près !

Puis, sous leurs regards incrédules, je les abreuve copieusement d’une quantité appréciable de revues et d’ouvrages documentaires sur le sujet, ouverts chacun à la bonne page. Va trouver ça dans le civil, toi !

- Monsieur, photocopie !

- Non, pas de photocopie. Deko photocopie. Essayez de lire la page qui est devant vous et notez les informations importantes.

- Monsieur, y a trop !!! s’exclament-ils en cœur, horrifiés par l’ampleur de la tâche qui les attend.

- Mais non, y a pas trop ! Il ne faut pas tout écrire, juste le plus importônt, pardon, important…

Je profite de cet échange constructif pour intercepter un des lurons qui tentait déjà de se carapater en douce, en prétextant un « monsieur, fini ! » bien peu convaincant.

 

Le silence tombe enfin sur le CDI. J’observe du coin de l’œil les visages crispés, concentrés à l’extrême pour tenter d’identifier quelques lettres connues au milieu de ce flot de formules incompréhensibles. Pour être plus à l’aise, ils ont tous abandonnés leurs claquettes qui gisent, inertes, sous les tables. A l’exception de reniflements furtifs, pas un bruit ne…

- Monsieur, EDF ?

Ah, ça faisait longtemps, tiens.

- Quoi, EDF ?

- EDF, gaz ?

Malgré les progrès rapides qui sont les miens, j’avoue quand même avoir parfois du mal à comprendre ces chères petites têtes brunes.

- Qu’est-ce que tu veux savoir, exactement ?

- EDF, gaz ?

- EDF gaz, EDF gaz ! Ce n’est pas une question, ça ! Tu veux savoir si EDF fabrique du gaz ? Eh bien, oui ! Enfin, non. C’est GDF qui fabrique le gaz. EDF, lui, fabrique l’électricité. Tu as compris ?

- ???

Sentant poindre un léger désarroi et voulant sans doute abréger mes souffrances, un bon camarade vole à ma rescousse :

- Il demande à toi les différents gaz.

Merci de me venir en aide, jeune homme.

- Quoi, les différents gaz ??? Quels sont les différents gaz ? Est-ce que EDF est un gaz ? C’est ça que vous voulez savoir ?

- ^^.

- Et bien, non, ce n’est pas un gaz. GDF non plus, d’ailleurs. GDF est une in-dus-trie qui fa-bri-que du gaz. Là… vous avez compris ?

- ^^.

- Vous savez ce que c’est, une industrie ?

- Sais pas.

Il m’arrive parfois de me sentir très las. Sûrement cette chaleur moite et cette pluie ininterrompue depuis trois semaines (phrase écrite juste  avant les dernières vacances de Pâques, durant lesquelles il a fait grand beau, rassure-toi, ndlr).

 

Vu la tournure que prennent les évènements, il me semble alors plus que temps de sortir la botte secrète pédagogique X26, celle de tout enseignant qui se respecte et qui est censée lui assurer calme et tranquillité pour les cinq minutes à venir :

- S’il y a des mots que vous ne comprenez pas, vous cherchez dans le dictionnaire.

Et toc !

Le silence retombe sur le CDI.

 

(A suivre)

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 19:22

 

Le professeur est, par essence, l’espèce humaine la plus portée sur le stoïcisme, doctrine (très en vogue, particulièrement dans les établissements métropolitains) consistant à endurer brimades, menaces et vexations sans jamais enclencher la machine à baffe. Mais, il y a cependant des limites qui viennent d’être allègrement franchies ce matin, au collège de La Roche, en cette veille de congés scolaires.

Un fax en provenance du vice-rectorat est en effet tombé sur le prompteur, en fin de matinée, intimant l’ordre à tous les enseignants d’annuler leurs projets vacanciers (une semaine de catamaran à l’île des Pins, en ce qui me concerne !) au motif saugrenu de se mettre à disposition de l’administration.
Pour moi, cela ne pose pas de problème, l’île des Pins se trouvant pour ainsi dire à deux pas de Nouméa. Mais je pense aux collègues ayant opté pour des destinations plus lointaines et se trouvant fort dépourvus lorsque le fax fut venu.

Toujours est-il que le vent de la révolte ne va pas tarder à souffler dans la zone Pacifique, je te le dis…

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12 décembre 2009 6 12 /12 /décembre /2009 11:09
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Le ramassage des manuels scolaires est, de loin, la tâche (je devrais même enlever l’accent circonflexe, tiens…) la plus ingrate qui guette tout documentaliste moyen en fin d’année scolaire. Faire défiler, classes après classes, des hordes de sauvageons survoltés au sein du CDI, tout en inspectant scrupuleusement des accumulances de manuels poisseux et élimés en prenant l’air sévère, ferait presque passer le geste parkinsonien d’un OS de chez Renault, spécialisé dans le serrage quotidien de 300 000 vis R14, pour une œuvre gratifiante.

Heureusement, qui dit fin d’année scolaire dit aussi début des vacances d’été. Cela a beau être anecdotique pour quelqu’un qui, comme moi, fera toujours primer la grandeur de sa noble mission pédagogique sur de vagues projets d’escapades estivales, cela est quand même un léger petit plus qui permet de mieux faire passer la pilule.

Cependant, à La Roche, quelques particularismes locaux toujours bienvenus ne sont jamais bien loin, égayant de leur fraîcheur insulaire la morne grisaille de ce labeur ingrat. C’est ainsi que, alors que les consignes de début d’année étaient on ne peut plus claires, si tant est qu’une consigne énoncée en français puisse être claire (« couvrir les manuels avec une couverture en plastique transparent, scotch sur le plastique et pas sur le manuel »), les résultats ont été, comme bien souvent, imprévisibles. Bien que toujours frappés au coin du bon sens local.

Les couvertures en plastique transparent étant une denrée rare sur l’île, elles ont donc parfois été remplacées (avantageusement s’entend) par des manous, tissus colorés largement employés lors des cérémonies coutumières. Certes, la qualité principale du manou n’est peut-être pas sa transparence, mais j’aurais mauvaise grâce à me plaindre de voir des ouvrages aussi rébarbatifs que le « Français, parcours méthodiques », de M. Morize et Coste, ainsi recouverts d’un fichu sacré. Pour être assuré de la longévité de l’assemblage, certains, en panne de scotch, n’ont pas hésité à consolider l’ensemble avec force chatterton qui, s’il a légèrement empiété de manière irréversible sur la page de garde du manuel, n’en témoigne pas moins d’une bonne volonté attendrissante.

Plus commun, mais tout aussi appréciable, le manuel enveloppé dans la dernière édition des Nouvelles, à l’image du maï-maï pêché la veille par le tonton.


Mais la Palme d’or du jury a été décernée à l’unanimité de moi-même à une élève de 6°, qui n’a pas hésité à embellir son manou de petites fleurs véritables, glissées derrière un film transparent du plus bel effet…

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30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 16:35


A l’heure où l’intégration des enfants handicapés dans l’école de la république semble être une préoccupation majeure ( ?), merci de prendre quelques minutes pour vous rendre sur le blog de Pierre qui houle. Pierrot est un pote qui vit en Calédonie, quant à Fabien, son fils, je l’ai vu en vacances faire des bombes dans l’eau turquoise de la plage de Yedjele. C’est vous dire s’il a bon goût…

 

Si ce que vous allez lire sur ce blog vous indigne (le contraire serait étonnant…), merci de signer ce texte...  

 

Monsieur le Directeur,  

 

Vous avez surement déjà entendu parler de Fabien, un enfant différent, attachant, plein de copains.... Je suis sûre que, comme moi, vous pouvez être touché par son histoire et le côté dérisoire de sa demande.

Si je vous envoie ce mail, c'est pour qu'un petit geste d'humanité et de dignité soit fait vers cet enfant, pour que le lien qu'il a pu tisser avec ses copains et avec un monde qui rejette si facilement la différence soit gommé et, qu'à petits pas, il puisse reprendre des relations qui n'auraient jamais du s'arrêter.

 

Pendant le primaire, Fabien a pu suivre une scolarité aménagée. Il s'agit simplement de la poursuivre pendant ses années de collège. Cette demande a été faite par sa maman dès le mois de juin mais sans réponse positive à ce jour. Le temps passe et il est important qu'il puisse prendre le train à temps. Aussi, pourriez-vous œuvrer pour qu'il puisse intégrer "partiellement" le collège Biache Saint Vaast (Pas de Calais) au plus tôt ?  

 

Je vous remercie d'avance pour tout ce que vous pourrez faire pour lui. 

 

Cordialement.

 

Signature



... et de l'envoyer par mail aux destinataires suivants :

 

Maison départementale des personnes handicapées du Pas-de-Calais :

mdph62@mdph62.fr

avec copie à l’inspecteur chargé du handicap (c'est l'inspecteur spécialisé qui fait de son mieux pour obtenir l'intégration de Fabien mais qui doit faire face à de nombreuses difficultés) :

ce.0623182x@ac-lille.fr
ainsi qu'à Pierrot pour info :
pilef2@hotmail.com

A diffuser largement. Merci d'avance.

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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 17:00
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Tatie Nicole vient de quitter Maré, des images plein les yeux, des sons plein les oreilles, des odeurs plein les narines, des souvenirs plein les poches et des photos plein son appareil Minolta à refroidissement liquide. Ce dernier aura finalement tenu le choc, ce qui, à une moyenne horaire d’une centaine de clichés, n’était pas gagné d’avance…

Avant de s’engouffrer dans le terminal B12 de l’aéroport international de La Roche city, elle a pris un dernier bain de foule au collège tout proche. L’occasion pour elle, dans une liesse indescriptible, de rencontrer ces fameuses petites têtes brunes dont je lui avais tant parlées, parfois non sans une certaine émotion.

Elle a pu réaliser en passant que la notion de bout du monde est une notion toute relative, qui dépend en grande partie du bout d’où l’on vient. Que certains de ces zigotos confondent allègrement pays et tribu, passe encore. Que certains pensent être de nationalité Nengone, pourquoi pas ? Mais pas un, rends-toi compte, pas un n’avait entendu parler du pays d’origine de Tatie Nicole, la principauté de Monaco… Enfin, quoi, quand même ! Un pays mondialement connu, comme n’importe quel paysan des hauts plateaux du Ladakh oriental te le confirmera, des sanglots dans la voix…
Et le Prince Albert ? Connais pas non plus ? Bon, tant pis.

Il restait la curiosité, les sourires et la gentillesse naturelle de tous ces enfants. Et là, c’est sûr, on est bien au bout du monde !

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22 septembre 2009 2 22 /09 /septembre /2009 17:00

Case kanak (Nouvelle-Calédonie) / Kanak hut (New-Caledonia) 

L’avantage des effectifs légers est de pouvoir aisément mettre en place des pleins paniers de stratégies de remédiation individualisées, comme on dit volontiers dans les salles de cours feutrées des IUFM de France, de Navarre et de Nouméa. C’est ce que j’ai pu expérimenter le plus naturellement du monde, pas plus tard qu’il n’y a pas très longtemps, sur la personne de C., échantillon type du petit collégien maréen moyen.


Ce dernier, comme à son habitude mais plus encore en cette période troublée de grippe du cochon, fait une entrée remarquée dans ce somptueux sanctuaire culturel qu’est le CDI du collège. Remarquée car remarquable, le bas du visage, jusque sous les yeux, enfoui dans un col montant de sweat-shirt informe et décoloré. Ce que l’on pourrait assimiler hâtivement, en métropole, à une volonté suspecte de dissimulation du visage dans le but peu avouable de contrevenir au règlement intérieur sans se faire gauler, relève, ici, de la plus élémentaire des hygiènes. Cela permet, en effet et tout à la fois, de tousser sans exposer son interlocuteur aux bacilles porcins, tout en se mouchant subrepticement dans la surface du tissu ad hoc qui en a de toutes façons vu d’autres.


Mais l’opération, accompagnée de force raclements de gorge profonde, commençant à prendre des proportions inquiétantes et craignant un débordement de substances morvesques par un effet prévisible de trop plein, je prends l’initiative  d’intervenir. C’est tout moi, ça.

Je tends au petit enrhubé de frais, sans mot dire mais en retenant ma respiration, un splendide Kleenex de ma collection personnelle, propre et plié bien comme il faut. Le genre de mouchoir modèle que l’on peut apercevoir dans les publicités, si tu vois ce que je veux dire.

 

Surprise de l’intéressé qui fixe le bout de papelard immaculé d’un œil suspicieux.

- Mouche-toi, crois-je bon de lui intimer, devant l’absence totale de réaction.


Interloqué devant tant d’originalité et réprimant difficilement quelques petits soubresauts nerveux, il plaque alors le minuscule carré, sans même l’avoir déplié, contre son orifice nasal et expulse violement un jet de morve de bonne tenue qui déborde instantanément du fragile réceptacle. Une substance gélatineuse se répand alors sur ses joues rebondies, sa bouche grande ouverte et sa main malhabile.


Déduisant sûrement son fourvoiement à la lueur de mon air aussi circonspect que réprobateur, il entreprend alors de réparer le dommage en se passant hâtivement le mouchoir barbouillé sur le visage, tout en parachevant son œuvre d’un coup de manche aussi furtif que réparateur. N’en jetez plus, faut-il vous l’emballer ?

- Ho ! C’est comme ça que tu te mouches, toi ?

- …


Pédagogie, quand tu nous tiens… Retenant à grand peine un léger spasme devant ce tableau peu ragoûtant et prolongeant mon apnée initiale d’une dizaine de secondes supplémentaires, je lui tends du bout des doigts un nouveau Kleenex, non sans lui avoir inculqué au passage quelques notions élémentaires de savoir-vivre telles que le dépliage, le soufflage par le nez (bouche fer-mée !) et l’emballage cadeau final direction la poubelle. Une leçon pareille effectuée sans respirer (et sans fiche de prép'), il faut le faire !


Le petit sauvageon semble de plus en plus gêné devant mes explications saugrenues et tente vainement de se dissimuler à l’intérieur de ses bras protecteurs.

- Allez, souffle ! l’encourage-je d’un ton motivant qui fait trembler les vitres.

Il se lance, expectore gauchement dans un flot de germes sournois et, perdant toute contenance, passe le brimborion de pelure souillée sur son crâne, dans un geste auguste et purificateur.

- Mais… qu’est-ce que tu fais ???

Effarement de l’interpellé devant une question aussi incongrue :

- Monsieur ! Moucher !
  Case kanak (Nouvelle-Calédonie) / Kanak hut (New-Caledonia) Case kanak (Nouvelle-Calédonie) / Kanak hut (New-Caledonia) Case kanak (Nouvelle-Calédonie) / Kanak hut (New-Caledonia) Case kanak (Nouvelle-Calédonie) / Kanak hut (New-Caledonia) Case kanak (Nouvelle-Calédonie) / Kanak hut (New-Caledonia)
Case kanak (Nouvelle-Calédonie) / Kanak hut (New-Caledonia)
 

Il n'aura pas échappé à ta sagacité legendaire que la série de photos de cases qui émerveille présentement ta pupille juvénile n'a strictement rien à voir, même avec toute la bonne volonté du monde, avec le texte ci-dessus. Tous ces clichés ont en effet été pris à Lifou, entre deux visites d'église. Tu ne me voyais quand même pas illustrer cet article déjà bien peu râgoutant avec des photos prises sur le vif, non ?



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