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12 novembre 2008 3 12 /11 /novembre /2008 15:00


Depuis deux semaines, la Nouvelle-Calédonie est en marche (un peu forcée, certes) vers un avenir radieux. Les agents de la direction des services fiscaux font la grève, entraînant dans ce tourbillon merveilleux la régie des tabacs.


La pénurie de cigarettes s'est donc installée et le peuple fumeur, loin de conserver sagement son calme dans la tempête, commence à laisser poindre de légers signes d'agacement sporadiques :

 

« Arrêter de fumer, je veux bien, mais pas y être forcé. Font chier avec leur grève. »
« Il y a d'autres moyens pour arrêter de fumer. Là, on est forcé ».
« C'est de la discrimination, ils veulent la révolution ou quoi ? »
« J'ai fait tous les tabacs et le pire, c'est que je ne fume pas. Je suis là pour mon mari et mon fils. Ils sont à cran et c'est moi qui ramasse à la maison ».
« On est dans un pays de dingue ici ! »
(cf les Nouvelles calédoniennes de ces derniers jours)
Même mon camarade Franck, de la Calédosphère, commence à perdre son sang-froid, c'est dire.

Une première réquisition gouvernementale, motivée par un risque de « trouble », a permis d'ouvrir la régie des tabacs le temps de livrer vingt cartons aux prisonniers du Camp-Est, réputés plus susceptibles que le reste de la population. Qu'importe la santé, tant qu'on a la sécurité...
Les grossistes, à leur tour, ont été autorisés à livrer samedi quelques cartons de cigarettes chez les dealers officiels débitants. Ces derniers ont été pris d'assaut par les fumeurs en manque, qui ont sillonné la ville de tabac en tabac, jusqu'à trouver le bon et faire la queue.
Mais, bien entendu, tout le monde n'a pu être satisfait.


Photo : http://www.noumeabynight.com/

 

« Les gens deviennent agressifs, ils ne comprennent pas qu'on ne vende qu'un ou deux paquets à la fois, pour partager entre les clients. Il est temps que ça s'arrête » observe judicieusement un débitant de Nouméa.
« Il n'y a pas de relation de clientèle, j'ai l'impression d'être un vendeur de drogue. C'est de l'échange de monnaie contre leur dose », analyse tristement un autre, lucide.
A Kenu-In, plus prosaïquement, les gendarmes ont déployé un dispositif pour éviter le moindre débordement. Mieux vaut prévenir que guérir, si l'on peut dire.

Parallèlement, le marché noir fonctionne à plein et on pouvait trouver un paquet de sucettes cancérigènes pour 1 500 francs dans certains quartiers de Nouméa (1 000 francs les 5 clopes, 100 francs à l'unité dans les nakamals), ce qui est cadeau. Certains sites web calédoniens proposent même des paquets aux enchères, sur le modèle d'eBay, le roi du recel et du marché noir.
Mais l'or blond devient de plus en plus rare et les prix devraient continuer de monter à la pompe.

Après s'être reportés sur le tabac à rouler, puis les mentholées, puis les Gauloises, les fumeurs attaquent maintenant les cigares. Ils ne devraient pas tarder à se mettre à la moquette.
Côté patchs, c'est aussi la ruée dans les pharmacies.

Comme de bien entendu lorsque la survie de la Nation est en péril, une association, pudiquement auto-proclamée « les Otages du Caillou », vient de se constituer, à l'initiative des grossistes, buralistes et fumeurs mécontents. Elle appelle à la manifestation ce soir, au nom du droit imprescriptible de s'empoisonner librement.
Mais, alors qu'une nouvelle livraison est prévue aujourd'hui à Tontouta, des rumeurs font état d'un blocage possible par les grévistes, directement à l'aéroport. Info ou intox ? En tous cas, alors que l'oxygène se purifie, l'heure est grave et la révolte gronde.

Et, pendant ce temps, les non-fumeurs de la capitale et de la brousse (où l'interdiction métropolitaine de fumer dans les lieux publics ne s'applique pas), en profitent pour respirer un peu, discrètement pour ne gêner personne. Quant à ceux des îles, ils observent toute cette agitation de loin, les bénéfices retirés par cette grève de salubrité publique étant minimes pour eux, les bars, pubs et restaurants étant assez rares, dans ces contrées lointaines.
 

(Pour connaître la fin de l'histoire, rendez-vous chez l'Homme ordinaire...)

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