Dernière minute : je viens de découvrir le plus bel endroit de Calédonie et donc, par conséquent, du monde !
Ce n'est ni à Lifou (plages de Peng ou de Luengoni...), ni à Ouvéa (plage de Mouli...), ni à l'île des Pins (piscine naturelle, baies de Kanumera, d'Oro, d'Upi...), ni à Tiga (je n'y suis jamais allé). Ce n'est pas non plus sur la Grande terre (côte Est...). Plus près de nous, pardon, de vous, ce n'est ni le centre commercial de Nice-Etoile, ni la plage de la Mala, à Cap d'Ail.
Non, le plus bel endroit du monde se trouve à Maré, tout simplement. Ce qui tombe bien, puisque c'est là que je réside (que je « reste », comme on dit ici). Cet endroit s'appelle Shabadran (prononcé Chabadjane, si on veut éviter les moqueries de nos élèves, très à cheval sur la prononciation).
Certes, j'en avais entendu parler, bien sûr. En 2000, déjà, accompagné pour l'occasion de mes chers parents, nous avions tenté de nous rendre dans cet endroit paradisiaque. En vain. Il faut en effet obligatoirement passer par l'intermédiaire du propriétaire des lieux qui, moyennant un droit de passage modique (comparable au prix d'entrée du Louvre, du Prado ou du Metropolitain Museum, qui ont pourtant beaucoup moins de richesses à proposer) vous autorise l'accès et vous fournit un guide. Mais ce propriétaire s'étant révélé injoignable à l'époque, nous avions dû renoncer.
Etant maintenant sur place, j'ai donc plus facilement pu organiser cette excursion, après quand même plus de trois mois de présence sur l'île.
Mais Shabadran, ça se mérite. Tout commence dans la tribu de Kurine, au nord-est de Maré, par la traversée d'une immense et magnifique cocoteraie. Et tout commence dans la difficulté. Si, à pied ou, mieux, en VTT ou en 4X4, la traversée ne présente aucune difficulté particulière, elle se révèle vite infernale en voiture traditionnelle, qui est le moyen de transport retenu, à tort. Un chemin trop étroit bordé de brousses infranchissables, des ornières profondes qui entraînent le raclement du fond de la voiture, des multitudes de noix de coco antipersonnel qui minent le trajet, des palmes gigantesques qui se prennent dans les roues... Tout cela et quelques vaches débonnaires rendent la progression très malaisée. Impossible de passer ne serait-ce que la seconde, tout se joue en première et en faisant siffler l'embrayage. Imperturbable, notre guide profite de légers temps morts entre deux soubresauts pour rallumer son mégot et rajuster sa casquette, sur laquelle est pédagogiquement inscrit le programme du jour : « parlez-moi d'amour, je ne pense qu'à ça ». Est-ce la mine patibulaire du bonhomme ou le sabre effilé qu'il transporte nonchalamment avec lui, mais je préfère ne pas céder à la proposition et rester concentré sur la conduite.
Il nous faut près d'une heure pour franchir les quatre kilomètres de la cocoteraie de Kurine, ce qui donne à peu de chose près une moyenne de, je pose 6 et je retiens 3, 4 km/h.
Au sortir de la cocoteraie, nous laissons au repos nos automobiles fumantes et poursuivons notre périple pédestrement. Cette deuxième partie de l'itinéraire borde la mer et, après une courte partie champêtre, est réalisée presque exclusivement sur des rochers découpés et tranchants comme des lames, rasoirs, silex, couteaux (tu choisis ce que tu veux, c'est au choix, pourvu que ça coupe). D'ailleurs, pour nous mettre en condition, une belle collection de baskets déchiquetées est exposée au départ de la randonnée, sur une sorte de monument sommaire en mémoire aux victimes des lieux.
Nous progressons lentement et prudemment , toujours en équilibre instable et avec finalement assez peu d'opportunités d'apprécier le paysage.
Puis, les rochers disparaissent pour faire place à une dernière petite cocoteraie (pour la route) et, une heure et demi après avoir laissé les voitures, c'est l'arrivée à couper le souffle sur le site magique de la Baie de Shabadran (attention, bien prononcer Chabadjane...)
A ce stade du récit, je pense qu'il est inutile de me fatiguer à vous décrire l'indescriptible. Je vais juste me contenter de vous proposer quelques photos prises au hasard dans ma collection et le tour de la question sera joué. Il faut juste savoir que Shabadran concentre en un seul lieu tous les clichés enchanteurs tels que sable blanc, eau turquoise, patates, corail, champignons, piscine naturelle, terrasses en cascade, canyon, cocotiers et, bien sûr, le tout sans l'ombre vulgaire du moindre pèlerin à bob Ricard...
Allez, c'est parti, attention les yeux !
(mais ça sera pour demain, pour ménager le suspens et car je commence à fatiguer à télécharger des photos avec un bas débit de 56 ko, c'est à dire, pour les néophytes, qu'il me faut dix minutes d'attente entre chaque photo !)