Tel le Beaujolais, auquel il emprunte une partie de son appellation incontrôlée, le nouvel arrivant nouveau, cuvée 2009, est arrivé. Par pack de huit, cette année, au collège de La Roche.
Le professeur nouvel arrivant, en Nouvelle-Calédonie en général et à Maré en particulier, est une espèce non protégée de bipède à poil ras, en voie d'extinction pour cause de transfert imminent des compétences, oui madame. Il a la fâcheuse réputation, sur le Caillou en tous cas, d'avoir tout vu, tout lu et touché la prime, ce qui est quand même très exagéré. La plupart, en effet, n'ont encore rien vu.
A Maré, le professeur nouvel-arrivant se repère relativement facilement.
Pour commencer, il se distingue des autochtones et de 99% des habitants par une couleur blanche assez prononcée, proche du rose vif pour ceux qui ont oublié crème et chapeau à Nouméa. S'il y avait des touristes à Maré, on pourrait presque le prendre pour l'un d'eux, à la recherche du Méridien de l'île des Pins.
Ensuite, il circule à bord d'un véhicule cabossé de location (pour les plus chanceux) et passe son temps libre (relativement important, quand même) à sillonner désespérément l'île à la recherche d'un logement, d'un frigo et d'une casserole. Avant de se mettre à la recherche d'un technicien de l'OPT susceptible de lui installer le téléphone, avec lequel il pourra appeler la métropole pour donner des nouvelles (en faisant bien gaffe au décalage horaire) ainsi que la Compagnie Maritime des Îles (CMI), qui assure le fret entre Nouméa et Tadine et qui a paumé tous ses cartons.
La vie du professeur NA n'est pas de tout repos. Après une cérémonie initiatique organisée par les grands coutumiers du vice-rectorat, à Nouméa, à l'issue de laquelle les poteries Lapita de la Grande-Terre n'auront plus aucun secret pour lui, il devra en un temps record intégrer quantité de données hautement déstabilisantes, telles que l'omniprésence de la Coutume (la Loi locale) et l'omniabsence de l'Equipe (la Bible païenne).
Cependant, pour le remercier d'avoir fait un si long voyage, le vice-rectorat de Nouméa, dans sa grande bonté, peut lui rembourser une partie de son futur loyer sous certaines conditions, la première étant qu'il trouve une maison, bien sûr. Il sera alors admis au remboursement partiel de son loyer à hauteur de 75% de la partie du loyer qui excède le montant de la retenue obligatoire de 15% et le loyer plafond et 25% pour la tranche au delà de ce plafond (décret n° 85-1237 du 25 novembre 1985 modifiant le décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 portant règlement du logement et de l'ameublement des fonctionnaires de l'Etat en service dans les TOM).
Cela le remplit forcément de joie, même s'il n'a rien compris. Qu'il se rassure, il n'est pas le seul.
Il pourra alors se plonger à corps perdu (à jamais) dans la lecture jouissive de la formule de calcul de la contribution laissée à sa charge, que je vous livre ici à toutes fins inutiles et sans aucun supplément.
Cela l'occupera pendant les longs week-ends pluvieux de mars, le temps qu'il se rende compte que la pièce principale nécessaire à la constitution de son dossier (un bail en bonnet difforme) n'existe pas à Maré.
Parfois, il est largué. Notamment lorsqu'il apprend avec trois jours de retard que la mer est fermée ou que Lyon (ville métropolitaine de 500 000 habitants, soit le double de la Calédonie) s'est fait bananer par le Barça en huitième de finale de la Champions League.
Et, pour paraphraser M. Sergio, grand philosophe devant l'éternel, rentier à 40 balais et accessoirement batteur puissant et métronomique des célèbres groupes de rock niçois PPZ Rocket et Riff Raff : « Nous n'avons pas des vies faciles ! ».
P.S. : Bienvenue à Olive et Fanny, Max et Jenny, Christophe (et Nadège), Fred, Jean-Jacques et Dominique !