Alors que le Blog d'or 2008 calédonien bat son plein, retour sur la semaine du 16 au 21 juin et la fête de la musique à Maré...
Il était une fois une route - plus justement une piste - déserte et presque sans fin, dans le sud-est de Maré...
Nul signe d'activité, nulle trace de vie, simplement le calme et le silence, partout.
Grande cause, petits effets : je suis, en effet, à la recherche non pas de l'oiseau Péda (une fois n'est pas coutume) mais de la tribu de Kurine, qui accueille en son sein l'ouverture de la grande fête de la musique. Mais, pour l'instant, une recherche totalement infructueuse.
Reporter photo pour couvrir un maximum de manifestations et contribuer à la réalisation d'une future exposition, tel est le rôle qui m'a été attribué par Dick Buama, l'ancien leader de Gurejele et grand ordonnateur de cette manifestation. Une mission qui me va à ravir, me permettant ainsi de poursuivre dans des conditions optimales ma découverte de l'île.
Il s'agit en fait d'une grande première qui est tentée par Dick et ses collègues de l'association des artistes maréens, à savoir organiser une fête de la musique durant cinq jours et sur une quinzaine de sites.
Dans une petite île de 7 000 habitants, il s'agit véritablement d'une gageure, mais, à quelques minutes du coup d'envoi, le planning est enfin bouclé et tout semble en place. Sauf que je ne trouve toujours pas le lieu des festivités.
Bien que repassant pour la troisième fois le long de la route qui longe la tribu, une grande ligne droite ceinturée de cocotiers et bordant la mer, je n'aperçois ni ne perçois toujours rien. Ni panneaux indicateurs, ni mouvements de foule, ni véhicules garés en vrac, ni sono vociférante.
En désespoir de cause, j'avise cependant un petit groupe de kanak affairé autour d'un cochonnet de pétanque et sollicite leur aide pour trouver le lieu des réjouissances, ce qui est déjà surréaliste en soi, la tribu de Kurine, point de départ de l'excursion vers Shabadran, n'étant longue que d'une toute petite centaine de mètres.
Tu y es, me répond-on le plus naturellement du monde. Devant mon air surpris, on en vient même à me montrer la scène, que je n'avais pas aperçue, dissimulée qu'elle était derrière une case.
Ainsi que le parking, un bout de pelouse lointaine où trônent majestueusement trois véhicules.
Ne souhaitant pas perdre un instant de plus, je m'empresse d'aller me garer et fais mon entrée sur le site. Quelques spectateurs, visiblement des membres de la tribu, patientent calmement, allongés autour de la grande place à la pelouse taillée de frais, pour la plupart à plusieurs dizaines de mètres de la scène où des musiciens s'installent paisiblement.
Cela laisse une vaste zone dégagée quasi déserte, que je traverse lentement et aux yeux de tous, un peu impressionné quand même.
On me souhaite la bienvenue, tout en me précisant à mots couverts qu'il serait fortement apprécié que j'aille faire la coutume au chef.
Un manou, un paquet de tabac, un billet et un discours sont les accessoires généralement utilisés pour ce genre de cérémonie, qui n'a jamais été véritablement mon fort. De plus, je n'ai rien prévu de tel et, s'il est éventuellement possible de mettre la main sur un ou deux billets usagés au fond d'une poche, ça risque d'être plus dur pour le manou et le tabac. Sans parler du discours. Je repense alors aux paroles de Hnatr, la femme de Dick. Peu importe la coutume, finalement un concept théorisé par les Blancs, l'important c'est de laisser parler son cœur.
Rien ne remplace donc un sourire, la politesse et le respect. Ce qui tombe bien, étant beaucoup plus à l'aise dans ce domaine.
Toutes ces formalités accomplies en quelques secondes, le simple fait de prononcer le nom de Dick en souriant valant tous les sauf-conduits, et je peux immortaliser Hnatr plantant, au nom des gens de Kurine, un cocotier symbole de la pérennité espérée de cette fête.
Elle s'annonce en tous cas pour le moins pittoresque, ce qui n'est pas peu dire.
Sur scène, les musiciens des Mains noires viennent de démarrer leur set. Un nouveau choc, car ce sont de vieilles sonorités country-blues américaines, héritage du passage de l'armée US sur le Territoire de 1942 à 1945, qui viennent chatouiller mes chastes oreilles jusqu'alors exclusivement baignées de kaneka. Le vieux leader des Mains noires (mais à la barbe blanche) annonce d'ailleurs la couleur avec sa guitare acoustique hors d'âge, un crayon et un élastique en guise de capodastre et son chapeau de cow-boy à l'effigie du Che.
Tout un programme !
Le maigre public commence à se presser devant la scène et ne perd pas une miette du spectacle.
Il est maintenant près de 17h et c'est au tour de Dick & Hnatr de monter sur scène pour un set acoustique, bientôt rejoints par des enfants de la tribu, très impressionnés. La fête bat alors son plein, alors que l'obscurité s'abat déjà sur le site.
Bizarrement, cela semble décupler l'ardeur de l'assistance, alors même que la scène se trouve peu à peu plongée dans une pénombre que les deux néons de cuisine faiblards qui font office de spots ne peuvent combattre. Je profite d'ailleurs de l'occasion pour prendre congé de mes hôtes, non sans avoir bu le verre de l'amitié avec Dick et Christophe, un pote zoreil venu spécialement m'assister dans ma mission.
Retour sur Nece en début de soirée, déjà des images plein les yeux (et plein mon appareil numérique à zoom thermique à refroidissement liquide).
Et ça ne fait que commencer, avec, dans les prochains jours, des concerts prévus dans les tribus de Hnawayac, Pénélo, Padawa, au marché de Tadine, d'Eni et de Cengeité, à l'hôpital et au collège de La Roche et de Tadine, sans oublier l'aérodrome et le Nengone Village. Et, bien sûr, le final prévu le 20 juin à La Roche avec l'ensemble des participants.






