Un protocole de fin de conflit a enfin été signé le 6 août dernier entre Nidoish Naisseline (président d’Aircal) et Marie-Pierre Goyetche (vice-présidente de l’USTKE).
Après plusieurs mois troublés et une terrible semaine de blocages et de violences à Nouméa (du fond de sa cellule du Camp-Est, M. Jodar, le président de l’USTKE, n’a pu que se féliciter d’avoir été entendu par ses troupes, lui qui, il y a peu, agitait la menace d’un retour aux Evènements des années 80), le calme est donc – provisoirement – revenu en Nouvelle-Calédonie.
Le refus de Nidoish Naisseline de signer une première mouture, élaborée unilatéralement, de ce protocole avait cristallisé les tensions des troupes uestékaïstes qui réclamaient tout à la fois le paiement des trois mois de grève, la libération de leur président et l’abandon des poursuites à l’encontre des autres militants incarcérés. Ni plus, ni plus.
La signature de ce fameux protocole a donc été vécue comme une victoire pour l’USTKE, il suffisait pour cela de voir la mine réjouie de Madame Goyetche. Le Président Naisseline, malgré sa fermeté (« ils peuvent venir avec des tanks, je ne paierai pas les jours de grève »), avait cédé. Le soir même, des pick-up aux couleurs du syndicat paradaient Baie-des-citrons, avec force coups de klaxon et de canettes vides.
Pourtant, si l’on prend le temps de lire ce document, on se rend compte avec surprise que Nidoish Naisseline n’a cédé absolument sur rien.
Au sujet du paiement des jours de grève, tout d’abord, « l’entreprise (Aircal) rappelle que le salaire constitue la contrepartie de l’exécution du contrat de travail et que la rémunération n’est pas due lorsque le salarié participe à un mouvement de grève. » (…)
Après cette piqûre de rappel qui risque d’en surprendre plus d’un, il est convenu que « les salariés grévistes qui en feront la demande percevront une avance sur salaires correspondant à un mois de salaire. Cette avance sera remboursée (…). »
Prendre une avance sur salaire remboursable pour un paiement des jours de grève est une démarche bien hasardeuse, n’importe quel stagiaire en 1ère année de CAP comptabilité te le confirmera.
Cela n’a pas empêché un journaleux de LCI, à la une de son édition en boucle, de titrer : « Conflit Aircal / USTKE : les jours de grève seront payés ». Le Figaro, de son côté, n’a pas été très clair en écrivant curieusement que, au terme de ce protocole d'accord, « l'USTKE a obtenu le paiement des jours de grève, par le biais d'avance sur salaire » (sic).
Une nouvelle notion juridique vient donc de voir le jour, celle du paiement remboursable des jours de grève. Elle permet de satisfaire à la fois les employés grévistes (qui sont payés) et l’employeur (qui est remboursé). Comme à l’école des fans, tout le monde gagne. Vive le destin commun !
Les adeptes du grand gourou, cependant, s’ils ne mettent pas un peu de blé de côté, risquent d’avoir une fin d’année difficile. Leur restera toujours la solution d’une nouvelle grève, appuyée à distance par Messieurs Bové et Besancenot, pour dénoncer les retenues sur salaire qui ne manqueront pas de suivre le non remboursement du paiement des jours de grève remboursable à l’Etat colonial.
Au sujet de l’abandon des poursuites judiciaires, là encore, le protocole est on ne peut plus clair : « Aircal s’engage à ne mettre en œuvre aucune procédure judiciaire à l’encontre du syndicat USTKE (…) à l’exception des procédures relatives aux faits du 28 mai 2009 (c'est-à-dire à l’exception du jour où toutes les exactions à l’encontre d’Aircal ont été commises, débordements ayant entraîné l’incarcération de Jodar et de ses militants) ».
Cela permet d’or et déjà d’anticiper la prochaine étape de ce feuilleton interminable : les blocages inévitables, à grand coup de bâches bleues, qui suivront le maintien en détention de Gérard Jodar, le 25 août prochain, lors du rejet de son appel.
Pour finir ( ?), et afin de bien enfoncer le clou, Nidoish Naisseline a fait inscrire sans rire dans le préambule « le nécessaire respect qu’il convient d’attacher à la défense de la mission de service public remplie par Aircal et aux autorités coutumières. »
Là, le Grand chef du Guahma y est allé peut-être un peu fort. Imposer le respect à l’USTKE, ça risque quand même de se voir…